Quelles sont les qualités pour être Maire d’une commune comme Guiglo, et quelles sont les difficultés rencontrées dans l’exercice de cette fonction ? Dans cet entretien, Baillet Ben Séverin, le premier magistrat de cette localité qui est le chef-lieu de la région du Cavally, s’exprime.
Monsieur le Maire Baillet Ben Séverin, comment se porte Guiglo, votre commune ?
Guiglo respire la grande forme donc Guiglo se porte bien.
Guiglo est le chef-lieu de la région du Cavally. Cette ville est également la porte d’entrée principale de cette région. Est-ce facile d’être le Maire d’une telle localité ?
Il faut être maire celui qui peut mais pas celui qui veut. Cela veut dire que pour les villes comme Guiglo, chef-lieu de la Région du Cavally dirigée dès les premières heures par Émile Kei Boguinard, ministre d’Houphouët-Boigny, il faut être un homme de vision et d’actions. Il faut savoir d’où nous partons, ce qui a été fait et ce qui reste à faire, donc les perspectives. Homme d’action parce qu’il faut posséder au moins des rudiments du développement local, c’est-à-dire se poser des questions comme : quels sont les désidératas des populations ? Quels moyens réunir pour satisfaire au mieux cette population de plus en plus exigeante. En d’autres termes, quelles stratégies à mettre en place pour récolter assez de ressources propres capables de financer les opérations et aussi les actions inscrites au programme triennale dans la mesure où la part financière de L’Etat viendra en appoint. L’accent doit être alors mis sur les ressources propres de la commune.
Au regard de ce qui précède, le maire d’une commune comme Guiglo doit être d’abord un manager pour mieux diriger et faire comprendre sa vision. Ensuite il doit être un technicien ou avoir des connaissances en finance ou en gestion pour être en adéquation avec les différents services de la mairie. Il doit pouvoir accorder du temps nécessaire à la gestion des différents pans de cette entité. Le maire doit être a même de subvenir à certaines difficultés tant matérielles que financières de sa structure afin d’assurer son fonctionnement régulier ou quotidien. Le maire doit avoir l’esprit fertile pour apporter à la population ce qui est nécessaire mais inexistant en matière de développement dans sa commune. Si le maire n’a pas une seconde fonction lui permettant d’être un peu à l’aise sur le plan financier, il jettera très vite l’éponge puisqu’il ne pourra pas faire face aux nombreuses sollicitations des populations. Pour la population, le maire est celui qui dispose des solutions miracles à tous les problèmes auxquels elle est confrontée. Guiglo étant l’entrée dans le Cavally, la population y est importante et les besoins sont très nombreux. Il faut donner à la ville un visage reluisant donc y mettre assez de moyens, faire plus d’efforts personnels pour la satisfaction du public.
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Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre travail de Maire ?
Les difficultés rencontrées sont nombreuses. Difficultés primo au niveau des ressources humaines. Par exemple, les textes de la décentralisation stipulent que les communes de 50 mille à 100 mille habitants doivent avoir en leur sein un total de 49 agents pas plus (agents affectés par l’Etat et ceux recrutés localement). C’est vraiment insuffisant pour une commune comme Guiglo. Mais comme nous avions 93 mille habitants depuis l’avant dernier recensement, nous ne pouvons que respecter ce texte qui nous pénalise. Nous disposons de deux marchés dans la ville et six marchés dans les villages rattachés ce qui donne environ 1 700 commerçants. Pour ce chiffre nous n’avons que quatre collectrices embauchées.
Le travail est pénible et nous sommes obligés de faire des contractualisations pour grossir le rang des collectrices ce qui n’est pas normal. Aussi les agents recrutés sur place n’ont-ils tous pas le niveau nécessaire pour faire certains travaux (état-civil, service financier, secrétariat général etc.). Par ailleurs, ils refusent le travail de la voirie parce que c’est salissant et déshonorant. Nous n’avons que cinq (5) agents seulement pour curer les caniveaux et ramasser les ordures ménagères de la ville. Nous sommes obligés de nous faire aider par des femmes bénévoles qui assurent volontairement la propreté dans certains quartiers. Secundo, des difficultés matérielles existent : la mairie compte trois camions bennes régulièrement en panne car vétustes ; un tracteur dont le moteur a pris un coup et des tricycles en mauvais état. Notre budget ne nous permettant pas d’acquérir de bennes neuves comme l’exige la Décentralisation, nous sommes ténus aux réparations répétées occasionnant de nombreuses dépenses. L’absence de ce type de matériel nous empêche de ramasser régulièrement les ordures qui jonchent les rues, les marchés.
Nous sommes obligés à plusieurs reprises d’organiser des opérations ville propre en collaboration avec la Direction Régionale de la Salubrité et de l’assainissement. Opérations auxquelles toutes les Associations des femmes volontaires de Guiglo sont conviées. C’est pourquoi si nous voulons que nos villes soient propres, que l’État mette à notre disposition par l’entremise d’un concessionnaire des véhicules neufs de ramassage d’ordures et négocier les modalités de paiement. Tertio, nous sommes confrontés à des difficultés de recouvrement. En effet à l’insuffisance des ressources humaines il faut ajouter le refus des contribuables à s’acquitter de leurs taxes. Il s’en suit très souvent des disputes entre commerçants et collectrices qui finissent par des coups et blessures sur nos agents. Quarto, nos agents n’étant pas bien rémunérés (entre le smig et 100 mille FCFA pour la plupart) , les deniers sont perçus illégalement par certains préposés à la collecte. Ce qui constitue un manque à gagner notable pour le trésor. La sensibilisation ne donne pas de résultat probant alors il faut vivement instaurer la collecte électronique qui donne de meilleurs résultats.
Voilà déjà plusieurs années que vous êtes à la tête de la mairie de Guiglo. Quel bilan faites-vous de votre mandat ?
Je suis à la tête de la mairie de Guiglo depuis 2013 donc je suis à mon deuxième mandat. Mon bilan est positif malgré les difficultés ci-dessus énumérées. En effet quand nous arrivions a la mairie, le budget était de 280 millions FCFA. Mais à la première mandature nous avons porté le budget à 500 millions FCFA. Et aujourd’hui, nous sommes à 770 millions FCFA. Tous nos programmes triennaux ont été bien et totalement exécutés et la population est satisfaite de notre travail. Plusieurs bâtiments servant d’écoles primaires des maternités et dispensaires des marchés, des foyers des jeunes ont été construits en ville et dans les villages. Notre mairie a été réhabilitée et équipée en mobiliers de bureaux et en matériel informatique. Aujourd’hui chaque agent a un ordinateur de travail. Tous les bureaux sont climatisés. Les extraits de naissance à l’état civil, grâce à l’informatisation et à l’acquisition d’un matériel de pointe, se délivrent en 30 minutes au lieu d’une semaine comme cela se faisait avant notre prise de service.
Au niveau de la cohésion sociale, nous avions demandé et obtenu auprès du préfet, la tenue de certains conseils municipaux dans les villages de la commune. Cela permet au maire de réhabiliter et d’équiper pour le village hôte son foyer des jeunes qui abritera la réunion. Un repas convivial est offert par le maire à la fin du conseil. Cette façon de faire est beaucoup appréciée et les chefs des villages luttent pour obtenir l’organisation du prochain conseil. Par cette institution, le maire va vers ses populations et il leur permet de le voir, le toucher, le saluer, poser de visu leurs problèmes et avoir des réponses ou des solutions.
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Si le mandat devait durer un peu plus que cinq ans, quelles actions auriez-vous poser en plus ?
La vision est lointaine et au fur et à mesure que des projets se réalisent d’autres sont aussitôt pensés et le travail continue. Aujourd’hui j’ai installé des feux tricolores dans la ville et c’est une fierté car c’est une solution au problème des accidents de la circulation. Ensuite j’ai fait construire un complexe municipal composés de deux piscines (adulte et enfants) achevées à 80%, un espace de réception de mariages (achevé à 90%), une salle de Gym et de sports, une salle de jeux pour les enfants, un alocodrome, un restaurant etc.…qui complèteront l’existant en 2023. Quant aux perspectives, j’ai en tête la construction d’une salle de réunion digne de Guiglo avec au premier niveau une bibliothèque pour les jeunes. Construire si les moyens le permettent un hôtel de ville, aménager une aire de jeux pour les tous petits à l’instar de Doraville à Abidjan, la construction de la maison de la chefferie dans chaque village. Ça sera le bureau du chef, son secrétariat plus une salle de réunion. Résoudre le problème de l’eau potable dans les villages par l’installation de forage amélioré. La vulgarisation de l’énergie solaire à moindre coût dans les quartiers de la ville et dans les villages du rayon communal. Étendre l’électricité dans les nouveaux quartiers, etc…
Certains de vos administrés notamment des quartiers et des villages de la commune se plaignent que la mairie n’a pas été beaucoup présente chez eux. Quel commentaire ?
Je pense qu’ils ont leur raison puisqu’ils ont leur manière de voir, de comprendre et de penser. Moi aussi je leur dois des explications pour leur bonne compréhension. C’est comme un père de famille dont les enfants vont le matin à l’école. Il donne 100 FCFA au plus grand et 50 FCFA au plus petit. Ce dernier se fâche parce qu’il n’a pas eu la même somme que son grand frère. Le père sait pourquoi il a agi ainsi. Mais il doit l’expliquer au plus petit. Ça sera difficile qu’il comprenne, mais par la répétition il comprendra. C’est la même chose. Aujourd’hui au niveau de la commune de Guiglo, la priorité c’est l’école ensuite la santé et les autres. Les effectifs sont pléthoriques et la majorité des écoles font la double vacation. Au groupe scolaire Nazareth par exemple il faut construire six bâtiments de trois classes donc trois écoles de six classes pour résoudre le problème d’effectif de ce groupe qui n’est pas le seul.
Dans ces conditions, il faut répartir le budget investissement entre l’école, la santé, le socio culturel, et autres. L’école dominera mais les autres auront leur part même si elle est infime. Il faut distribuer pour que chaque entité reçoive un peu. Dans ces conditions, certains ne seront pas satisfaits de ce qu’ils ont reçu et ils diront toujours que la mairie n’a pas été présente chez eux. Aussi si vous recevez un projet cette année, l’année prochaine ça sera le tour d’un autre et ainsi de suite. Nous avons à Guiglo 12 quartiers et 15 villages dans le rayon de la commune donc au total 27 localités. Ce n’est pas facile avec l’enveloppe budgétaire que nous possédons. Mais si nous faisons le point des réalisations ce jour nous verrons que la majorité des villages et des quartiers de la ville ont été servis. Nous avons un budget de 770 millions FCFA aujourd’hui et la part réservée à l’investissement ne dépasse pas 250 millions FCFA puisque le budget de fonctionnement prend la plus grande partie. Donc les 250 millions FCFA seront destinés par exemple à l’école, la santé, les marchés et les foyers des jeunes. C’est très insuffisant. Alors qu’on fasse preuve de patience et chacun sera servi.
Ce mandat de cinq ans prend fin bientôt, les élections municipales sont annoncées dans quelques mois. M. le Maire est-il candidat à sa propre succession ?
Oui bien sûr, je suis candidat à ma propre succession. Avec tout ce travail que nous avons fait avec peu de moyen, la population et mon parti me demandent de continuer car on ne change pas une équipe qui gagne. Mais après ce mandat je dois songer à passer le relais à un plus jeune de mon parti bien sûr. Actuellement nous préparons les jouxtes de 2025 et chaque élu dans sa zone doit participer efficacement à la victoire de son président.
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Selon la feuille de route 2023 du ministère de L’Equipement et de l’Entretien routier, les travaux de bitumage de l’axe Guiglo-Taï vont commencer cette année 2023. Qu’est-ce que cela vous apporte de plus dans votre stratégie de développement de la commune ?
Oui effectivement le tronçon Guiglo-Taï sera bitumé en 2023. Entant que cadre de Guiglo c’est un ouf de soulagement puisque cette route constituait notre combat depuis belle lurette. Ensuite entant que membre du RHDP c’est une joie infinie et une satisfaction totale car il a fallu le président Alassane Ouattara pour bitumer cette voie et désenclaver Taï, grenier de tout le Cavally. Toutes les populations sur cet axe vont bénir ADO pour ce grand geste. Il nous a promis et il vient de le faire et c’est ça un vrai président de la République soucieux du bien-être de ses population. Nous lui serons redevables à vie. Comme stratégie de développement, la mobilité sera facilitée. Le transport va se développer. Taï étant notre grenier assez de nourriture et de divers produits convergeront vers Guiglo le chef-lieu. La route vers le Liberia va s’ouvrir et les échanges vont se multiplier. Guiglo sera un vrai carrefour où le commerce prendra de l’ampleur. Plusieurs commerçants ou hommes d’affaires s’intéresseront à Guiglo et l’urbanisation prendra un coup de fouet. Aussi le bitumage de cet axe permettra-t-il à Guiglo de bénéficier encore de quelques kilomètres de voiries bitumées.
Pour les élections à venir, quel message lancez-vous aux populations de votre commune ?
Pour les échéances à venir, populations de Guiglo mon programme de société établi depuis 2013 n’a aucunement varié, mais il a été respecté dans sa mise en œuvre jusqu’en 2023. Rares sont les candidats qui tiennent parole vous le savez. Ils vous promettent de coutume la lune et les étoiles mais moi je fais quand même l’exception puisque tout ce que j’ai promis est soit réalisé ou en cours de réalisation. Par ailleurs depuis 2013 jusqu’à ce jour, nous vivons dans la paix dans notre commune et tout le monde vaque tranquillement ses occupations. C’est cette paix que nous allons continuer à préserver pour le bonheur de tous. Étant un agent de développement, je vous demande de me faire toujours confiance, vous connaissez ma force de travail et surtout par le travail déjà accompli dans notre belle cité. Je m’engage à faire encore plus, avec votre soutien indéfectible pour le bien-être présent et futur des habitants de notre belle commune. Mon slogan « Guiglo d’abord « est toujours de mise et chacun doit s’engager maintenant au même titre que moi, pour développer à sa manière notre ville, notre seul héritage commun.
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Monsieur le Maire, ouestmedia.ci est un nouveau site internet qui traite essentiellement des informations du District autonome des Montagnes, donc des régions du Cavally, Guémon et Tonkpi. C’est donc un moyen d’expression et de promotion de tout ce qui se passe dans cette partie de la Côte d’Ivoire. Quel regard portez-vous sur cette initiative ?
C’est la toute première fois que je découvre ouestmedia.ci, mais avec les échanges que nous venons d’avoir je peux affirmer sans risque de me tromper que vous faites un excellent travail qui consiste à faire la promotion de nous-mêmes et de nos collectivités. Je vous encourage à vous donner des moyens capables de réaliser votre noble et attrayante vision qui vous permettra de faire connaître dans toutes leurs diversités nos grandes Régions que constitue le grand et riche District des montagnes… Merci et que Dieu soit votre boussole.
Réalisé par OM – 02/23
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