L’utilisation du gaz butane comme carburant dans le transport en commun, prend de l’ampleur dans la ville de Man. La pratique est partagée par presque tous les taxis communaux. Pourtant, elle n’est pas sans risques. Quels est le regard des autorités sur le phénomène et que faire des activités connexes qui favorisent son évolution ? Après la publication de la première partie de son reportage sur la question, ouestmedia.ci, diffuse la suite et fin de son constat sur le terrain.
Mettre fin au désordre
« Il y a des risques dans tout métier. Avec essence ou pas, il peut survenir un accident. Les chauffeurs méritent de vivre de leur métier. Et avec le gaz butane comme le carburant tout est facile et chacun y gagne », affirmé Traoré Khalifa, un ancien chauffeur.
D’autres habitants de la ville sont aussi de cet avis. Pour eux, l’utilisation du gaz butane comme carburant serait moins polluante et contribuerait à la réduction du gaz à effet de serre.
« En Europe, tous les transports en commun fonctionnent maintenant au gaz, c’est moins polluant que le diesel. Pour les taxis, il conviendrait que les modifications soient faites par des centres agréés, avec du matériel agréé. Et que toute installation non conforme soit refusée au contrôle technique. Dans le cas de mise en conformité, le gaz est beaucoup moins polluant et moins cher que le diesel, ce qui permet aux taxis de garder des prix bas », précise Thierry Durand, un français vivant à Man.
Certains chauffeurs qui le font malgré eux, souhaitent une diminution du prix du litre de carburant.
« Nous ne sommes pas contre le fait d’arrêter, mais que nos autorités revoient le prix du gasoil et trouvent une entente avec les propriétaires de taxis qui nous imposent de grandes recettes. Nous sommes des pères de famille et nous sommes conscients que nous sommes exposés, mais au-delà, nous avons des obligations familiales », fait savoir à ouestmedia.ci, Karim Dosso, un conducteur de taxi.
Des incidents liés à l’utilisation du gaz butane comme carburant dans les taxis ont été enregistrés en 2022. Des engins ont été complètement calcinés à l’entrée de la ville, en venant d’Abidjan et même au centre-ville provoqué par un mégot de cigarette. Les risques, comme on le voit, demeurent et sont très élevés. A défaut de l’interdire, il serait approprié de réglementer le secteur.
A lire aussi : Utilisation de gaz comme carburant, on fait le plein de dangers à Man (Partie 1)
Un secteur en plein essor mais…
N’empêche ! Il ne faut pas se cacher le fait que c’est un secteur en plein essor. Né timidement avec seulement deux points de rechargement, aujourd’hui la ville de Man en compte une trentaine. Chacun d’eux compte au moins une vingtaine de taxis dans sa clientèle. Ils sont devenus des mines d’opportunités pour les opérateurs économiques.
« C’est un secteur très porteur en plein essor. Les revenus sont énormes et il y a du profit. On gagne notre vie grâce à cette activité. On ne va pas donner le montant, mais on paye nos taxes et on est même organisé en association », révèle à ouestmedia.ci, un opérateur du secteur qui a préféré garder l’anonymat.
Il nous explique que grâce à cette activité, plusieurs centaines d’emplois ont été créés.
« Nous savons ce que les gens pensent de cette activité. Mais grâce à cette activité plusieurs familles sont à l’abri du besoin. Et nous contribuons fortement à la lutte contre le chômage et nous participons à la création de richesses. C’est pourquoi, nous nous sommes organisés pour voir dans quelle mesure nous pourrons mieux réglementer le secteur, afin de ne pas faire périr les usagers. Pour l’heure, seuls les chauffeurs de taxis sont nos clients », a-t-il ajouté.
Ce que dit la loi sur la pratique
En son article 3 alinéa 4, la loi N°92-470 du 30 juillet 1992, dispose que: « toute commercialisation ou livraison de produits pétroliers destinés à la consommation du public ou des entreprises particulières en dehors des installations pétrolières, spécialement agréées à ces fins », constitue une infraction. Cette même loi en son article 4 fixe des sanctions aux contrevenants à ces dispositions, notamment une peine d’emprisonnement de 15 jours à 1 an, et une amende de 100 000 à 500 000 FCFA.
S’il est vrai que des textes existent sur l’interdiction de l’utilisation du gaz butane comme carburant, sur le terrain, la loi peine à être appliquée. Des chauffeurs de taxis roulent en faisant fi de cette disposition légale sans être inquiétés. Selon certaines sources, le mutisme des autorités a pour objet d’éviter des frondes sociales dans la ville. Si de véritables contrôles étaient effectués, soutiennent ces sources, aucun véhicule de transport en commun à Man ne serait en circulation car n’étant pas en règle.
A lire aussi : Man, l’explosion d’un camion poids-lourd évité de justesse
Les conseils d’un expert
Pour autant, le phénomène est déprécié par des spécialistes du feu et experts en hydrocarbures le dénoncent. C’est le cas du lieutenant Yoboué N’guessan Jean Enoch, Chef de centre de secours d’urgence de la région du Tonkpi. Il fait savoir que cette pratique est dangereuse non seulement pour les usagers mais aussi pour l’environnement.
« Cette pratique est très dangereuse pour les usagers mais aussi pour l’environnement. Ces voitures ne sont pas fabriquées d’origine pour fonctionner avec du gaz, et cette modification n’est pas sans conséquence lorsqu’on sait tout le danger que représente le gaz butane. Je conseillerai d’arrêter cette pratique », a-t-il affirmé.
A lire aussi : Edito / UN MEDIA POUR NOUS-MEMES !
Toutefois en tant qu’expert du feu, le lieutenant appelle les propriétaires de taxi à limiter les risques en disposant d’un extincteur dans leurs véhicules. Aux vendeurs de gaz, il souhaite qu’ils se mettent aux normes de sécurité incendie afin d’éviter toute catastrophe pour les populations.
Ashley Oulaï à Man
OM – 07/23
Discussion about this post