Accusé à tort ou à raison de manger la chair humaine, le peuple Wê est l’objet de tous les fantasmes. Dans les sketchs ou les prestations des humoristes, on évoque ce qui serait une « réalité » dans l’Ouest ivoirien. Ce cannibalisme est-il un mythe, une tradition atavique ou une mauvaise interprétation de quelques faits auxquels aucune explication n’était fournie jusqu’alors ? Ouestmedia.ci a enquêté.
Pour mieux comprendre, rendez-vous à Bangolo, rencontrer Tahi Bah Jean, le chef du canton Zagnan, le canton central du département de Bangolo. Sans faux fuyant, le garant de la tradition a bien voulu éclaircir la lanterne de tous.
« Dans les temps anciens, les parents ne faisaient pas d’enterrement public. C’était un secret que les personnes âgées, seules, gardaient pour elles. C’est dans l’intimité absolue que se faisaient les enterrements. Et ce, dans les champs de caféiers, dans les maisons, en tout cas dans un endroit fermé où seules les familles endeuillées connaissaient », relate le sexagénaire.
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Les enterrements dans le secret
Le chef Jean Bah Tahi évoque deux hypothèses pour tenter de trouver le point de départ à ces rumeurs auxquelles personne n’a pu à ce jour apporter un témoignage vivant. Les enterrements nocturnes et la consommation de la viande du chimpanzé qui est un animal dont les traits de ressemblance à l’homme sont très proches.
« Les enterrements se faisaient à des heures très tardives dans une intimité très significative pour ne pas que les enfants voient les corps ou assistent à ces scènes comme ce que nous voyons de nos jours », indique-t-il.
Le peuple Wê, selon le chef du canton Zagnan n’a jamais consommé la chair humaine. Ce sont des préjugés qui au fil des temps sont restés coller à ce peuple.
« Nous n’avons jamais mangé la chair humaine. Les parents aimaient enterrer dans l’intimité sans laisser une seule trace qui pourrait permettre de s’apercevoir qu’il y a eu quelque chose. Les gens n’ont jamais cherché à venir vers nous pour comprendre ou bien nous demander ce qu’il en est exactement. Comment peut-on manger la chair humaine ? Comment manger son semblable ? Il faut savoir que cela se faisait avec assez de délicatesse, c’est pourquoi dans les temps anciens les parents procédaient de la sorte. Quand on enterre un parent, le lieu est damé à l’aide d’un mortier afin que personne ne sache ce qui s’est passé. Seuls ceux qui ont participé à l’inhumation savent où se repose telle ou telle personne. Maintenant que les cimetières sont officiels avec le modernisme, nous voyons les tombes dans chaque village », révèle-t-il.
La consommation de la viande de chimpanzé, une autre piste
La deuxième hypothèse avancée par le vieux Tahi Bah Jean qui fait des Wê un peuple ‘’mangeur d’homme’’, c’est la consommation de la viande de chimpanzé. Dans les campements, la viande de cet animal était séchée sur des grillages en plein air, selon le patriarche.
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« Vous savez bien, nous avons des traits de ressemblance avec les singes et les gorilles. Le peuple est composé de plusieurs familles. Certaines familles se nourrissent de la chair du chimpanzé. Pour donc quelqu’un qui rend visite à son ami Wê chez qui il voit la chair de cet animal, il croira systématiquement que c’est la viande de l’homme. Sinon en réalité les Wê ne mangent pas et n’ont jamais mangé l’homme. Je ne le dis pas, parce que je suis Wê, mais c’est la pure vérité », insiste-t-il.
La suite dans une semaine
Ashley Oulaï
OM -04/23
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