Le cacao cultivé dans la sous-préfecture de Daleu ainsi que tous les autres produits agricoles de cette partie du département de Danané sont-ils exposés au phénomène d’exportation illégale de produits ? Après les sanctions prises contre les autorités administratives et militaires du département de Sipilou, la question se pose. Les deux localités étant distantes de quelques kilomètres. Sans faux-fuyant, Singo Domi le président de la mutuelle de développement de la sous-préfecture de Daleu aborde le sujet. Il donne aussi des solutions.
Une année vient de passer et une nouvelle commence. Comment est-ce que vous et vos parents de la sous-préfecture de Daleu dans le département de Danané avez-vous passé cette traversée ?
Le passage d’une année à une autre année est un grand moment d’émotion et de joie. Donc le passage de 2024 à 2025 à Daleu s’inscrit dans cette logique. Nous étions heureux les parents et moi de tenir jusqu’à 2025.
Nous avons cependant eu un goût d’inachevé compte tenu du fait que pour les fêtes passées des véhicules avaient accès à Daleu et ils pouvaient transporter des vivres pour nos parents.
Cette année ça n’a pas été le cas du fait de la route. Nous avons été obligés de faire avec les moyens de bord. Mais ça s’est quand même bien passé parce que nous étions heureux de nous retrouver dans la nouvelle année.
La sous-préfecture de Daleu dont vous le président de la mutuelle de développement est éloignée de Danané de quelques dizaines de kilomètres. Mais l’accès à cette localité, vous l’avez signifié il y a un an dans une interview à ouestmedia.ci que c’est un parcours du combattant. Quand est-il aujourd’hui ?
Rien n’a changé au niveau de l’accès à Daleu. Je dirai même que la situation a empiré. Il y a un an au moment où nous faisions l’interview, on pouvait accéder à Daleu par Sipilou. Mais aujourd’hui il est impossible d’accéder à Daleu par Sipilou, parce que la route est coupée.
Après les grandes pluies, des ponts se sont cassés, et ils n’ont pas été réparés. À ce jour donc, aucun véhicule personnel, ou de marchandises ne peut accéder à Daleu. Du côté de Danané, des ponts sont aussi cassés.
Daleu est donc totalement coupé du reste de la Côte d’Ivoire voulez-vous dire ?
Daleu est coupé du monde. Daleu est isolé à l’heure où nous parlons.
Certaines informations annonçaient des initiatives nouvelles pour remédier à la situation pourtant…
Effectivement, mais cela n’a été que des effets d’annonces. On nous a annoncé des initiatives effectivement mais la situation est la même. Pour ce tronçon, le contrat a été donné à l’entreprise 2IFE. Cette entreprise a fait le lancement des travaux à Danané.
Deux ans après, cette entreprise est là. Malgré sa présence, l’état de la route est toujours le même. Parce que tout simplement cette entreprise a démontré son incompétence notoire en tout domaine. Domaine humain, professionnel et matériel…
C’est des accusations graves que vous faites ?
Non pas du tout. Je sais de quoi je parle puisse que je suis témoin. Je parle d’incompétence dans le domaine humain et professionnel parce qu’à Nimpleu 2, qui est l’un des villages traversés par la route, cette entreprise a creusé un trou juste après cette localité.
Le pont s’est effondré à cause du fossé creusé. Jusqu’à l’heure où je vous parle, ce sont des planches de fortune qui y sont disposées. Mais cela ne sert de passage que pour les motos. Si professionnellement, techniquement et matériellement on est au point, on peut faire un tel travail ? Non, je ne pense pas !
Pour vous faire une confidence, j’étais à l’AGEROUTE le vendredi 17 janvier 2025 avec le secrétaire général de la mutuelle de développement que je dirige, pour parler de l’état de dégradation de notre route. On nous a informé officiellement que le contrat de cette entreprise est en cours de résiliation pour incompétence. Donc, je n’invente pas les mots.
La situation de la route qui mène à Daleu telle que vous décrivez a assurément des répercussions sur la vie des populations. Comment est-ce qu’on vit là-bas ?
C’est tout un drame, un drame qu’on ne saurait décrire facilement. Voyez-vous, la sous-préfecture de Daleu peuplée de près de 60 000 âmes a des dispensaires et maternités. Quand des femmes sont en travail difficile, il faut les évacuer à Danané.
Mais évacuer avec quoi ? A moto ? Or quand un travail est difficile, la femme est entre deux phases difficiles. Et quand on l’évacue sur moto, c’est la mort assurée. Pareil pour les personnes qui ont des maladies graves.
C’est le quotidien comme je l’avais déjà signifié il y a un an. Pendant l’évacuation, une fois arrivé dans des endroits où les ponts sont cassés, il faut charger la moto sur la tête, le malade également. Par moment, les gens meurent là.
Économiquement, c’est un problème. Les populations ne peuvent pas évacuer leurs produits sur le marché départemental à Danané pour profiter des fruits de leur travail. Les produits manufacturés de Danané ne peuvent pas arriver à Daleu, du coup, il y a problème. La sous-préfecture de Daleu étant le grenier de la ville de Danané, quand les produits vivriers n’arrivent pas sur le marché, la nourriture devient extrêmement chère.
Pour combattre cette vie chère-là, il y a une seule chose, il faut la route et le problème de vie chère à Danané sur le plan des produits agricoles va prendre fin. Il faut le bitumage de la route Danané-Daleu-Sipilou. Et faire le reprofilage de toutes les pistes villageoises pour que les populations des villages environnants puissent accéder à Daleu, chef-lieu de sous-préfecture.
Au plan sécuritaire, peut-être que c’est la chance qu’on a qu’il n’y a pas encore eu de problème majeur. Nous sommes dans une zone frontalière, et on est coupé du reste du monde, imaginez-vous, s’il y a un problème que je ne souhaite pas, les agents des forces de l’ordre qui sont dans la sous-préfecture de Daleu et les populations sont en danger du fait du problème d’accès et de sortie.
L’actualité en Côte d’Ivoire, surtout dans l’ouest montagneux, c’est la fuite des produits agricoles vers les pays voisins. À Sipilou dernièrement, des autorités administratives et militaires cités dans un trafic de fuite de produits vers un pays voisin ont été sanctionnées. Comment est-ce que vous qui êtes proche de Sipilou avez-vous perçu cela ?
Nous avons appris cette information par voie de presse comme tout le monde. Je respecte cette décision qui est courageuse. Mais il faut savoir que Sipilou est dans la zone frontalière. Et au-delà de Sipilou, c’est toute la zone, la frontière, Danané, Sipilou qui traverse la sous-préfecture de Daleu.
La route interdépartementale Danané-Sipilou, n’existe pas. C’est vrai, l’État a eu à sanctionner déjà pour donner l’exemple histoire de dire de faire attention. Mais nous demandons aux autorités étatiques d’aller plus loin, et s’attaquer à la cause réelle de cette fuite.
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Et selon vous quelle est la cause réelle ?
Le problème c’est la route principale Danané-Daleu-Sipilou qui n’existe pas pourtant c’est la frontière avec la Guinée Forestière. Aujourd’hui elle n’est empruntée que par des motos. Toutes les pistes villageoises qui doivent relier Daleu à d’autres localités sont toutes fermées et quand on quitte la sous-préfecture de Daleu en allant vers Sipilou, c’est la même chose.
Pour nous donc, la solution unique pour que les forces de l’ordre aient de la mobilité, pour que les gens ne soient plus tentés de prendre des raccourcis qui est la fuite de cacao, il faut la route. La route principale Danané-Daleu-Sipilou, avec ce qui vient d’arriver aux autorités administratives et militaires de Sipilou, la fuite des produits agricoles dans cette zone est encore plus un problème d’intérêt national.
Nous pensons que si la route est tracée, cela va prendre fin. Il faut bitumer l’axe Danané-Sipilou et ouvrir toutes les pistes villageoises. Je vous révèle qu’à l’heure où je vous parle, Daleu est la boucle du cacao dans notre zone.
Dites-nous Monsieur Singo Domi est-ce que à Daleu, la fuite du cacao est une réalité ? Si oui, dans quelle proportion ?
Vous voyez, le mot fuite cohabite avec clandestinité et illégalité. Daleu où nous sommes les premiers responsables, nous ne nous inscrivons pas dans ces trois paramètres. Ni clandestin, ni illégal, ni fuite.
Cependant, n’oublions que les villages frontaliers de la sous-préfecture de Daleu se trouvent à 5 Km de la Guinée, où les échanges économiques et humains avec les populations, existent depuis avant les indépendances. Aujourd’hui, la probabilité de ce que les clandestins, les trafiquants, ont peut-être pris goût à ces échanges-là depuis très longtemps peut-être grande.
La frontière est une forêt dense qu’ils connaissent bien. Donc la probabilité que les produits de Daleu aillent en Guinée par des voies détournées par ces trafiquants est possible. Mais nous ne saurions l’affirmer parce que nous ne voyons pas cela se faire de façon officielle à Daleu.
Vous dites que l’accès à Daleu par Sipilou, est actuellement coupé, celui par Danané également. Où vont donc les produits agricoles de Daleu ?
Ce que nous savons et nous voyons c’est qu’il y a beaucoup de syndicats et d’acheteurs ivoiriens qui sont là. Ils viennent, ils paient le cacao. Maintenant la destination finale qu’ils prennent après achat des produits nous ne le savons pas pour être franc.
Les autorités ont mis en place, depuis quelques années, une brigade spéciale de lutte contre l’exportation illégale des produits agricoles. Est-ce que cette brigade intervient dans la sous-préfecture de Daleu ?
Oui, à Daleu, nous avons une brigade mobile de la gendarmerie, à Daleu, il y a des agents des Eaux et Forêts. Je suppose que cette unité spéciale est composée de ces différentes entités. Mais voyez-vous, leur action ne peut être perceptible à cause du manque de la route.
Ils peuvent se débrouiller à moto et arriver à Daleu, dans le chef-lieu de sous-préfecture. Mais comment ils accèdent aux frontières ? Vont-ils marcher ? Parce que le moyen le plus sûr pour accéder aux frontières, c’est à motos, mais sur quelle voie ? Donc, bien que la brigade soit présente, leurs actions sont limitées, par le manque de route.
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Les cadres de Daleu ont-ils entrepris des initiatives pour éventuellement mettre un frein à cette pratique ?
Ce que nous souhaitons et pour lequel nous nous battons sans relâche, c’est que nos produits soient vendus sur place, chez nous en Côte d’Ivoire. Parce que ce sont les dividendes issus de ces produits-là que l’État prend pour réinvestir en faisant nos routes, construire nos écoles, ainsi de suite.
Pour réaliser cela, la MUDEDA, la mutuelle de développement de la sous-préfecture de Daleu fait de la sensibilisation. Elle fait comprendre aux populations le bien-fondé de la vente des produits-là chez nous. Chaque fois que nous avons l’occasion d’être au village, nous sensibilisons. Nos actions ne sont que la grande sensibilisation parce que nous voulons que l’État investisse chez nous.
Vous lancez donc un SOS pour le cacao et les autres produits agricoles de Daleu ?
Évidemment ! Au-delà de la sensibilisation, nous lançons un SOS pour que les populations comprennent que malgré les difficultés du moment, il faut vendre nos produits de rente et autres à Daleu.
Il faut les vendre chez nous ici, parce que nous allons en profiter, et nous en profitons toujours. Parce que l’État utilise les dividendes issus de la vente de ces produits pour travailler dans le pays. Et bien évidemment, comme nous aussi, nous sommes dans ce pays, pour qu’ils travaillent chez nous.
Quel message vous lancez aux autorités du pays ainsi qu’aux cadres pour sortir votre sous-préfecture Daleu de cette situation qu’elle vit ?
Aujourd’hui il est plus qu’impérieux pour l’État et les autorités de la sous-préfecture de Daleu que la route principale Danané- Sipilou soit faite de bitume et que toutes les pistes villageoises soient ouvertes.
La route Danané-Sipilou qui est une route interdépartementale et en même temps frontalière, c’est plus qu’une question de soulager la souffrance des populations, est aujourd’hui un problème d’intérêt national.
Nous demandons à l’État de faire cette route par le bitume et ouvrir toutes les pistes villageoises. Secundo, en dehors de ce problème national qui vient de faire des victimes graves, il faut résorber le problème de l’insécurité de la zone. Cette route longue d’au moins 80 km (Danané-Sipilou) est la frontière avec la Guinée Conakry. Et c’est une frontière assez poreuse.
Cela ne rassure pas quand on sait que nos pays sont confrontés à la menace terroriste. C’est le lieu pour moi de remercier les forces de l’ordre du pays avec à sa tête le général de corps d’armée Lassina Doumbia, chef d’état-major des armées. Mais en même temps je voudrais dire que cette frontière ouest là n’est pas sécurisée.
Les frontières nord, est et sud sont sécurisées, mais la frontière ouest n’est pas sécurisée. Pour ne pas qu’il y ait du sable dans le beau travail que l’armée fait, il faut parachever le travail de sécurisation de la Côte d’Ivoire en sécurisant toutes les frontières. La frontière qui reste à sécuriser est celle de l’ouest, Danané-Sipilou.
Si le bitume est fait et que toutes les pistes villageoises sont ouvertes, je vous assure, je vous confirme que tous ces problèmes vont cesser. Une fois de plus donc, je voudrais exhorter le président de la République, SEM Alassane Ouattara à le faire.
Nous le supplions, de traduire son message, sinon son discours de relier tous les chefs lieu de département par le bitume en acte au niveau de Danané-Sipilou. Nous appelons le président Alassane Ouattara au secours, il n’y a pas d’autre solution viable pour la sous-préfecture de Daleu.
Réalisée par Zran Lôh
OM – 1/25
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