En marge de la conférence sur le rôle des membres de la Cellule civilo-militaire qui s’est déroulée du 18 au 20 juillet 2023 dans la ville de Duekoué, ouestmédia.ci a rencontré Goué Patrice, le chef du canton Zibiao à Bangolo et président par intérim de la chambre des rois et chefs coutumiers du Guémon. Dans cet entretien, il aborde le vivre ensemble entre les Wê et les différentes communautés de la région du Guémon.
Chef Goué Patrice, comment se porte aujourd’hui la région du Guémon après la grave crise postélectorale de 2010-2011 qui l’a beaucoup secoué ?
Je voudrais d’entrée vous signifier que nous venons de loin. Je dirais même de très loin. N’eût été le calme et la sagesse des chefs traditionnels de la région, on n’allait pas vivre cette atmosphère de paix et de tranquillité actuelle dans la région du Guémon. Il faut aussi saluer le rôle haut combien important joué par notre préfet, le préfet Brahima Cissé, à qui, nous rendons hommage parce qu’il nous a toujours associé à toutes ses prises de décisions. En dehors de la petite poche de résistance qui est le département Bangolo, où la délinquance monte, Duékoué, Facobly et Kouibly sont à 90 % dans la quiétude. Mais cette situation d’insécurité est en train d’être solutionnée grâce à la collaboration avec la gendarmerie. La change peu à peu de camp. Nos populations dénoncent de plus en plus les actes délictuels posés souvent par leurs propres enfants. Je voudrais surtout remercier Dieu et lui demander de nous soutenir jusqu’à ce que cette paix soit entière et définitive dans la région du Guémon.
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Vous qui êtes chef, quel a été votre secret pour que les communautés qui se regardaient autrefois en chien de faïence se retrouvent aujourd’hui dans le même lieu et partagent les mêmes repas et idées ?
En tant que chefs Wê, nous sommes revenus à nos fondamentaux qui disent que tout problème a une solution. Alors si vous avez accepté que des gens vivent avec vous, c’est d’abord parce que vous êtes forts, forts comme un wê qui ne sait que défendre les autres. Est fort, celui qui prodigue des conseils. Quand tu es fort, tu protèges. Quand nos frères venus d’ailleurs ont su que notre hospitalité était accompagnée de courage et de sagesses, ils ont tout de suite compris que quand il y a un problème, il faut que nous anticipions ensemble pour ne pas que nous laissons le vers pourrir le fruit avant que nous puissions le cueillir et que les conséquences nous rejaillissent là-dessus. Le mode de fonctionnement de la chefferie est aujourd’hui une participation collective de toutes les communautés qui vivent sur le même sol et qui conjuguent le même langage.
Bientôt les élections locales 2023 auront lieu. Pensez-vous que la paix va régner au cours de ces joutes électorales. Quels messages avez-vous à adresser aux jeunes qui sont pour la plupart cités dans les violences ?
Pour cette année, je voudrais vous dire que nous avons demandé à tous ces candidats de venir se présenter à nous. Ils devront nous présenter leurs programmes de société, mais sans évoquer l’ethnie. Nous sommes au-dessus de tout cela. Mais qu’ils sachent qu’ils ont aujourd’hui des chefs intellectuels, des chefs plus politiques qu’eux-mêmes. A travers leurs démarches, on sait déjà ce qu’ils veulent. Alors si on n’a pas de réponses immédiates à leur donner, nous avons des conseils à leur prodiguer parce qu’avant eux, il y avait des élus dans cette région. Après eux, il y aura encore des élus. Alors cette terre ne peut pas disparaitre à cause d’eux. Aux jeunes, je voudrais dire que les hommes passent mais la terre reste. La région du Guémon va rester. Aujourd’hui, ils sont jeunes, mais un jour ils seront des adultes. Ils auront des responsabilités à assumer. Alors qu’ils profitent de ce temps de jeunesse pour semer les graines de l’avenir au lieu de tout détruire. Car ils se reposeront demain à l’ombre de l’arbre dont ils ont semé la graine aujourd’hui.
Réalisé par Fara Adams
OM – 07/23
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