Qu’est-ce que la rage, peut-on en guérir qui sont ceux qui sont le plus exposés à cette maladie ? Dans cet entretien, Dr Kallo Vessaly, directeur des services vétérinaires au ministère des Ressources animales et Halieutiques (MIRAH), fait la lumière sur la rage. Une maladie méconnue qui tue silencieusement. Entretien.
Dr Kallo Vessaly, vous êtes le directeur des services vétérinaires au ministère des Ressources animales et Halieutiques. Comment se définit en des termes simples la rage ?
La rage est une maladie qui est d’abord virale et contagieuse. Elle se transmet par morsure, par griffure, par le léchage d’une plaie ou une ouverture par un animal enragé. 99% des cas de rage humaine sont issus des animaux, surtout des animaux de compagnie. Cette maladie, c’est une maladie qui atteint le système nerveux. C’est pour cela qu’on voit bien chez l’homme comme chez l’animal une agressivité. On peut aussi avoir une forme calme de la rage où l’animal reste couché avec le tronc postérieur paralysé. Il y a aussi la peur de l’eau. C’est ce qu’on appelle le signe du bâton. Quand il voit un bâton, il bondit pour mordre ce bâton.
Comment reconnaît-on une personne atteinte de la rage ?
Quand un animal qui est calme devient fougueux, il faut suspecter la rage. La première des choses à faire une fois mordu par un animal, c’est de laver la plaie pendant 15 minutes avec de l’eau savonneuse pour réduire la quantité virale et aller immédiatement à l’hôpital. Car il faut faire une prophylaxie post-exposition à travers le vaccin antirabique. Ce qui va vous permettre de vous protéger contre la maladie.
Docteur, que risque une personne qui ne se fait pas traiter après une morsure d’animal ?
Une personne, qui, après la morsure d’un animal enragé ne va pas à l’hôpital, s’expose à la mort. Une fois que la maladie apparaît, il n’y a plus rien à faire. C’est inéluctablement la mort.
Est-ce que la rage se guérit ? Quelle est la procédure de prise en charge des personnes atteintes en Côte d’Ivoire ?
La rage ne se guérit pas. Quand elle se déclenche, le cerveau est atteint et on attend que la mort. Ce qu’il faut faire, c’est de laver la plaie à l’eau savonneuse et se rendre ensuite à l’hôpital. Et là-bas, on bénéficie d’un traitement prophylactique. Il y a plusieurs protocoles. Ça peut-être le protocole Zagreb à 4 doses ou le protocole Essaims à 5 doses. La rage peut être évitée par la vaccination de tous les animaux ou à la rigueur 70% de taux de couverture vaccinale des chiens. Ou se rendre rapidement dans un centre de santé pour une prise en charge adéquate après une morsure. Il faut amener l’animal mordeur chez le vétérinaire qui dira si la morsure est contaminée car il faut 15 jours de mise en observation. Pendant cette période, si l’animal mordeur est contaminé, il ne va pas vivre plus de 14 jours.
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La maladie existe-t-elle ici dans la région du Tonkpi ?
La maladie existe partout où un animal de compagnie non vacciné vit. Par ignorance, cette maladie fait beaucoup de victimes en Côte d’Ivoire. Nous sommes à 23 décès en 6 mois et c’est beaucoup trop. À Man, il y a eu un décès. À Daloa, dans la région du Haut-Sassandra, il y a eu trois morts en 1 mois. Cela veut dire simplement que les animaux ne sont pas vaccinés.
Quel est l’âge de la population qui est en grande partie victime ?
Les enfants de moins de 15 ans représentent 50% des personnes victimes de la rage. Ils ne sont pas responsables. C’est l’enfant qui facilite la vaccination des animaux en l’emmenant chez le vétérinaire parce qu’ils les aiment. Ils ont souvent peur de dire aux parents qu’un chien les a mordu.
Dans les conceptions locales, on estime que c’est un mal qui provient d’un sort maléfique ou du fait de la sorcellerie. Des malades sont souvent attachés ou abandonnés en forêt. Un commentaire ?
Souvent, on ne fait pas le lien entre la morsure et la maladie. Après la morsure, vous pouvez passer un mois, deux, voire même trois mois sans faire la maladie. Et après la maladie se déclenche par la crise nerveuse. On dit souvent que la personne est devenue folle. Il faut prévenir. C’est le plus important. Plus personne ne devrait mourir de rage en ce 21ème siècle.
Il se dit souvent que la rage peut se soigner de façon traditionnelle. Cela est-il recommandé ?
C’est l’erreur qu’il ne faut pas commettre. Le seul traitement contre la rage, c’est d’aller à l’hôpital pour une prophylaxie post-exposition. Il y a eu un cas à Bononfla, un monsieur se fait mordre par un chien et un tradipraticien lui fournit une poudre à mettre sur la plaie et à mettre dans de la nourriture. Un mois après, le pauvre monsieur a fait la maladie et est mort de façon atroce en laissant derrière lui 6 jeunes enfants. Que va-t-il advenir de ces enfants ? Alors qu’il fallait simplement se rendre dans un centre de santé pour une prise en charge. Le meilleur traitement c’est dans un centre de santé et c’est un traitement efficace à 100%.
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Pour terminer, quel est l’état des lieux en matière de vaccination des animaux en Côte d’Ivoire ?
On s’est rendu compte qu’on a un faible taux de couverture vaccinale. Ce sont environ 100 mille chiens qui sont vaccinés chaque année de façon officielle. Nous avons environ 1,5 millions de chiens en Côte d’Ivoire. Quand on fait le ratio, c’est au moins 10% d’animaux qui sont vaccinés. Dans le milieu urbain, on parle de 30%. Mais dans le milieu rural, il y a moins de 5% d’animaux vaccinés. Dans certains rien. Dans un village de Bouna, après le décès d’un mordu, on s’est rendu compte qu’aucun chien n’est vacciné dans le village. En une journée, ce sont 500 chiens que nous avons vaccinés après la prise en charge de plus de 20 personnes qui avaient été mordues par des chiens. Il faut que tout le monde s’implique dans la vaccination des animaux. La clé de la rage, c’est l’homme.
Réalisé par Ashley Oulaï
OM – 07/23
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